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Le ciné de gg

27 janvier 2009

« Noces Rebelles », Sam Mendès

Noces_rebellesUSA - 2009, 2h05

Bande-annonce

Commençant là où la romance sentimentale s’achève -laissant au spectateur le soin de fantasmer une improbable béatitude amoureuse-, Sam Mendès fait exploser les codes du genre pour se concentrer sur le drame intime d’un couple.

Frank et April Wheeler se sont rencontrés, se sont mariés , ont eu deux enfants et se sont installés dans une banlieue new-yorkaise sans histoire. Après le temps des passions, vient celui de la rancœur et de la frustration ; April prend conscience de leur conformiste, d’être devenus l’incarnation exacte de ce qu’ils ne voulaient pas être ; Frank est un trentenaire coincé dans un boulot qu’il n’aime pas, reproduisant ainsi malgré lui, le schéma paternel ; April, elle, a délaissé ses ambitions théâtrales, pour endosser le rôle de la ménagère. Pour sauver leur histoire, elle imagine un plan fou, tout quitter pour aller vivre à Paris.

L’intensité du sujet, son point de vue pessimiste a de quoi surprendre pour une production hollywoodienne. Le casting, déjà, car choisir le couple mythique de « Titanic » -Leonardo di Caprio et Kate Winslet, symbole absolu de l’amour éternel-, pour incarner deux banlieusards en crise post-hyménée, créé une incroyable dramaturgie ; la grâce des aspirations idéalistes de la jeunesse vaincue par la pesanteur de la conscience adulte. A cet égard, les deux séquences d’ouverture sont d’une redoutable efficacité. Le film s’ouvre sur la première rencontre d’April et de Frank ; le plan suivant, on retrouve les deux amants, devenus entre-temps mari et femme, en proie à une violente dispute. Ces premières minutes donnent le ton : « Noces rebelles » est une plongée tragique dans les affres de la vie conjugale, avec un postulat d’une noirceur sans appel, la question du couple dans la société moderne ou plutôt celle de son impossibilité.

Porté à bout de bras par des comédiens magnifiques –Kate Winslet, bouleversante en femme au bord du gouffre-, « Noces rebelles » dissèque froidement la lente agonie des sentiments. Ce qui est en jeu ce sont les petites compromissions, les petites lâchetés du quotidien ; chaque parole, chaque regard révèlent la cassure. En cela, « Noces rebelles » est un film théâtral. L’explosion des dialogues met à nu la sourde lutte que se livre les Wheeler ; car, si April cherche, avec toute l’ardeur et la fantaisie qui la caractérise, à retrouver le goût de vivre, Frank, lui, a fait le deuil de ses rêves de jeunesse ; mieux, il en a pris son parti, préférant au risque les petites bassesses masculines, la séduction facile d’une collègue de bureau ; campé avec sobriété par un Di Caprio à contre-emploi, Frank a abdiqué par confort, par paresse. Toute la tragédie du film est là : nous donner à voir la défaite d’un amour, condamné d’avance. L’habilité cruelle dont fait preuve Sam Mendes à mettre en scène la tentative désespérée d’April, sans que jamais l’espoir ne soit permis, est la vraie réussite du film.

On pourrait certes reprocher une mise en scène quelque peu académique, il n'est reste pas moins que "Noces rebelles" est une vraie réflexion sur l'être-à-deux. Et il me vient à l'esprit ce vieux refrain de Trenet "Que reste t'il de nos amours, que reste t'il de ces beaux jours, une photo, vieille photo de ma jeunesse..."

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5 janvier 2009

Palmarès des meilleurs films 2008

  1. « Two lovers », James Gray (Sorti le 19 novembre)
  2. « La Vie moderne », Raymond Depardon (Sorti le 29 octobre)
  3. « Lust, Caution », Ang Lee (Sorti le 16 janvier)
  4. « No country for Old Men », Joël et Ethan Coen (Sorti le 23 janvier)
  5. « Le Silence de Lorna », Jean-Pierre et Luc Dardenne (Sorti le 27 août)
  6. « My magic », Eric Koo (Sorti le 05 novembre)
  7. « Louise Michel », Gustave Kervern et Benoît Delépine (Sorti le 24 décembre)
  8. « Le Premier venu », Jacques Doillon (Sorti le 02 avril)
  9. « Stella », Sylvie Verheyde (Sorti le 12 novembre)
  10. « Capitaine Achab », Philippe Ramos (sorti le 13 février)


22 novembre 2008

« Two lovers », James Gray

AfficheUSA - 2008, 1h50


En seulement trois films, « Little Odessa » (1994), « The Yards » (2000) et « La Nuit nous appartient » (2007), James Gray s’est imposé comme un réalisateur majeur du film noir américain. Explorateur inspiré des bas-fonds des faubourgs new-yorkais, il n’a de cesse de décliner dans son œuvre, âpre et sombre, le thème de la famille, la mafia et de la fatalité du destin ; mais James Gray aime à brouiller les pistes et, las de jongler avec les codes du film de genre, il décide de faire « un film authentiquement émotionnel autour d’une trame simple ». Le résultat est « Two lovers », drame romantique moderne, une histoire d'amour et d'illusions perdues.

Leonard (Joaquin Phoenix) revient vivre chez ses parents à Brooklyn dans le quartier de Brighton Beach, après avoir vécu un douloureux échec amoureux. Il fait la connaissance de deux femmes très différentes l’une de l’autre ; la douce et aimante Sandra (Vinessa Shaw), fille d’ami de ses parents, et Michèle (Gwyneth Palthrow), sa belle et inconstante voisine, dont il tombe éperdument amoureux. Leonard se retrouve déchiré entre ces deux femmes.

Partant d’un scénario de facture très classique, celui de la romance sentimentale, James gray opère une déconstruction magistrale de la comédie romantique pour basculer vers le drame existentiel. Le nœud de l’intrigue, c’est la déchirure d’un homme partagé entre raison et passion ; raison, incarnée par Sandra, compagne désignée, lui laissant entrevoir une vie tranquille et rangée; et passion, celle qu’il éprouve pour Michèle, le coup de foudre absolu. Choix cornélien d’un amoureux transi dont l’amour n’est pas partagé, Michelle étant très éprise d’un homme marié, lui aussi insaisissable. C’est finalement là que réside toute la tension tragique, leur commun entêtement à aimer des êtres qui leur échappent. Dès leur première rencontre, Leonard et Michèle semblent se reconnaître ; une même fragilité à fleur de peau, un même sentiment d’égarement. Car si Michèle cherche dans le LSD un antidote à son angoisse, Leonard, lui, est hanté par le suicide. C’est d’ailleurs par là que commence le film, par un saut désespéré dans un fleuve froid et obscur. S’il est sauvé des eux, la fêlure intime, elle, persiste.

Drame existentiel en même temps que tragédie familiale ; et l’on retrouve l’une des obsessions du cinéma de James Gray. Fils d’immigrés juifs new-yorkais, Leonard travaille dans la blanchisserie de son père (Moni Moshonov). Couvé par une mère inquiète (Isabella Rosselini), il se sent à l’étroit dans cet univers familial. Il n’arrive pas à voir Sandra parce qu’elle représente la soumission au modèle paternel. A l’inverse, l’inconstance de Michèle l’attire parce qu’elle lui offre une autre alternative, celle d’une vie en rupture, loin du déterminisme social. Ce duel intime, Joaquin Phoenix l’a parfaitement saisi. L’intensité avec laquelle il restitue la transe propre à l’état amoureux est saisissante. Tour à tour, béat, éperdu et maladroit, son jeu exploite toute les facettes de la sensibilité; face à lui, Gwyneth Palthrow, nouvelle évocation de la blondeur hitchcockienne, a la beauté et la grâce du fruit défendu.

Somptueux crève-cœur d’une passion sur le fil, Two lovers » est sans conteste l’œuvre la plus personnelle de James Gray. A chaque plan, une émotion foudroyante ; peinture d’une défaite amoureuse, « Two lovers » est une expérience sensible de la tristesse résignée. A couper le souffle…

13 novembre 2008

« La Vie moderne », Raymond Depardon


AfficheFRANCE - 2008, 1h30


Avec « La Vie moderne » dernier volet de son triptyque documentaire « Profils paysans », Raymond Depardon signe une œuvre absolument magnifique, d’une beauté cinématographique rare. Après « L’Approche » (2000) et « Le Quotidien » (2005), nous revenons au cœur de ce monde rural, dans cette terre de moyenne montagne des Cévennes. Avec la justesse et la foi qui caractérise toute son œuvre, tant cinématographique que photographique, Raymond Depardon nous parle de nos racines et du devenir des gens de la terre.

« Au commencement, il y a les routes ; au bout de ces routes il y a les fermes… ». C‘est ainsi que s’ouvre « La Vie moderne », par un long plan-séquence en travelling avant suivant les méandres de la route, avec en voix-off la voix de Depardon. Première ferme, celle des Privat dont la chienne Mirette ne comprend que l’occitan. Ici, c’est le mariage d’Alain avec une étrangère (il faut entendre « pas une fille d’ici ») qui ne plaît pas à Marcel et de Raymond Privat, tous deux vieux garçons, patriarches de la famille. Et puis, la route reprend vers une autre ferme ; une arrivée et un entretien. Une simplicité de mise en scène et une immense émotion. Le génie de Depardon, c’est sa façon de filmer. Par de longs plans séquence, il capte l’essentiel de ces paysans, l’intime et l’anecdotique, respectant le temps de parole de chacun. Tour à tour, il redonne voix et corps à ce monde en voie de disparition, à cette terre oubliée de tous.

De longs silences, une volonté délibérée de dégager l'écoute et la communication s’établit . « Le cinéma est là pour ça, pour garder des traces de notre façon de s’exprimer ». Le tournage en cinéma direct, l’utilisation du scope, évitant le champ contre champs, lui permettent cette liberté. Les paysans apparaissent dans leur vrai décor, donnant ainsi toute la mesure de leur caractère et de leur solitude. Il y a Germaine, épouse de Marcel Chalaye, qui tout en répondant aux questions, veille à ce que les techniciens derrière la caméra ne laissent pas refroidir leur café ; et bien-sûr la séquence bouleversante où Daniel, contraint de reprendre la ferme parentale, fait l’aveu de son malheur.

Fermement ancré dans le présent, « La vie moderne » est un film testament, un hommage à une vie en marge de notre société moderne où la temporalité n’est plus la même « Le fin-fond, c’est la quintessence de la France ». Ce qui fascine Depardon, c’est leur liberté, gagnée par cette passion du travail de la terre. Elle est la seule valeur qui dure, la seule modernité qui tienne ; d’où le choix du titre en clin d’œil. Pas de nostalgie, ni de passéisme . Une mélancolie certaine, rehaussée par la musique enivrante de Gabriel Fauré. Bien loin du folklore, c’est la concrétisation des rapports humains. Un cinéma de la générosité.

Alors « La Vie moderne » ? un chef d’œuvre…

8 octobre 2008

« L’Assaillant » de Pablo Fendrik

AfficheArgentine - 2007, 1h07


Le fait divers nourrit la création des auteurs ; Chabrol (« La cérémonie », « La fille coupée en deux »), Truffaut (« La peau douce », « L’Homme qui aimait les femmes »), Cantet (« L’Emploi du temps »), Gus Van Sant (« Elephant »), nombre de cinéastes ont reconstruit à leur façon un évènement tiré de la réalité ; le secret d’une histoire fragmentaire, l’énigme de la psychique des personnages, le passage à l’acte, il est un support idéal de fiction. La fascination des réalisateurs pour le fait divers tient moins à la reproduction exacte de l’événement qu’à la possibilité d’y projeter sa vision, d’y imprimer son propre désir de cinéma. « L’Assaillant » ne déroge pas à cet attrait du réel réinventé.


Quelques lignes lues dans un journal ont suffi pour inspirer ce jeune cinéaste argentin, Pablo Fendrik, qui signe avec « L’Assaillant », un premier long métrage tout à fait intéressant. Tourné en neuf jours, sans véritable scénario, le film est né comme il a été réalisé, dans une grande impatience de passer à l’acte créateur.

Un homme marche dans la rue et on le suit ; caméra à l’épaule, on emboîte le pas de ce héros anonyme. La vie urbaine défile sous nos yeux au fur et à mesure qu’il se déplace. Où va-t-il ? Que va-t-il faire ? Le suspense s’installe. Subitement, il s’engouffre dans un bâtiment et le film rejoint le fait divers qui l’a inspiré, celui d’un double braquage effectué dans deux collèges privés de Buenos Aires à vingt minutes d’intervalles.

Le choix de parti-pris de la mise en scène de filmer en quasi-temps réel -l’absence de coupures, le choix de longs plans séquences en plans très serrés- nous plonge au cœur de l’action. Faire ressentir au spectateur les émotions du personnages principal, lui donner l’impression d’être le témoin privilégié de l’histoire, Pablo Fendrik n’a pas voulu faire autre chose. Une économie de moyen et un besoin vital de cinéma. Jamais on ne saura les raisons qui poussent cet homme à commettre ces braquages et d’ailleurs, ce n’est pas ça qui est important ; refusant toute démonstration narrative, « L’Assaillant » est un film physique ; le nœud de l’intrigue, c’est le corps d’un homme, sa démarche, sa voix, l’expression de son regard. En ce sens, il ne s’y raconte pas grand chose ; mais ce que Pablo Fendrik réussit à faire est de la pure mise en scène, capter l’énergie vitale d’un homme et sa présence dans l’espace. On n’en demande pas plus…


Extrait

 

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2 octobre 2008

« Séraphine », Martin Provost

AfficheFrance - 2008, 2h05


« Séraphine » est l’histoire d’une révélation ; celle d’une bonne à tout faire, à qui la Vierge Marie aurait ordonné de peindre ; la révélation d’une âme d’artiste dans un corps de servante. Les voies du seigneur sont impénétrable alors elle s’exécute Séraphine, elle peint sur des petits morceaux de bois. Elle peint les fleurs et les fruits, les tournesols, les pommes ; la nature est transfigurée sous son regard. Vêtue d’une robe noir austère, d’un large châle de laine gris-bleu, d’un chapeau défraîchi, elle parcourt la campagne, s’enivrant de cette nature si pleine de promesses. Elle fait la cuisine et le ménage, lave, cire le parquet pour quelques sous; ce grand corps massif, ces épaules voûtées par des années de labeur, ces grands yeux bleus azur. Il y a définitivement un souffle romanesque dans ce personnage à la Flaubert, sorte de Félicité touchée par la grâce de l’art.

« Séraphine » est aussi l’histoire d’une réhabilitation puisque le scénario est basée sur un personnage réel, celui de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis, une artiste totalement originale, une autodidacte, de ceux qu’on appelle « naïfs ». Martin Provost redonne corps à cette femme discrète, cette petite main, dont il admire le talent. Le travail d’incarnation de Yolande Moreau est tout à fait remarquable ; la comédienne est littéralement habitée par le rôle et sa présence physique porte le film. Pourtant, malgré son évidente bonne volonté, le cinéaste est passé à côté d’une œuvre de cinéma. Certes, l’adaptation d’une biographie à l’écran n’est jamais chose aisée ; toujours, cette peur de l’anecdotique, du pathos. Malheureusement pour lui, Martin Provost n’évite pas les écueils du didactisme. Sa démarche d’historien d’art, sa croyance aux vertus de la vulgarisation de la culture prend le pas sur son travail de cinéaste. A trop vouloir reconnaître Séraphine, Martin Provost se perd dans un académisme étouffant. Si l'on ajoute à cela, la tentation de l'étude de moeurs - avec la peinture de la hiérarchie sociale, la bêtise et le mépris caractérisés des notables du village et la fausse naïveté de l'héroïne- et l'impressionniste de l’image -hymne permanent à la nature nourricière- "Séraphine", loin de gagner en poésie, a un rendu de film de terroir. Rapidement, l'observation curieuse de cette personnalité méconnue laisse place à un long, un très long ennui; au risque de passer complètement à coté de la tragédie finale, la fin d'une destinée à la Camille Claudel, qui méritait pourtant une plus grande attention.


Bande-annonce

26 septembre 2008

« La fille de Monaco », Anne Fontaine

AfficheFrance – 2008, 1h35

Décidément la critique de cinéma se ramollit ces temps-ci… Sans doute a-t-elle son quota de film français à promouvoir ; sinon, peut-être que notre industrie cinématographique -notre fameuse exception culturelle- ne s’en remettrait pas ! Alors, on se contente de peu, au nom de la solidarité nationale ; Jeanne Labrune, Pascal Thomas, Pascal Bonitzer et autres représentants de ce cinéma français endogène qui se regarde, se gausse et s’applaudit, doivent se féliciter devant la réussite d’une des leurs : « La Fille de Monaco » est un succès public et critique !

Au préalable, un mot sur la phrase d’accroche de l’affiche qui vaut quand même son pesant d’or :« Est-ce que vous vous êtes déjà posés la question pourquoi on couche?».

Jeu-test :quel type de film cela peut-il bien être:

1- Un « teen movie » -film pour adolescent pré pubère où la question centrale reste soit la perte de la virginité, soit le défi masculin d’abstinence ;

2- Un film post Nouvelle Vague avec Mathieu Amalric en intello angoissé et éternel indécis façon Desplechin « Comment je me suis disputé. Ma vie sexuelle »;

3- A la création d’un genre « le soap-polar », au pays de la princesse Grâce, avec Fabrice Luchini en guest-star…

Réponse 3 : le nouveau cru d’Anne Fontaine sorti le 20 août dernier.

AudreyLe problème de « La fille de Monaco » est visible dès l’écriture du scénario. La cinéaste a écrit le point de départ de son film avec l’idée de confier à Fabrice Luchini le rôle de Bertrand, virtuose du verbe, avocat brillant et redoutable séducteur, incapable de se laisser aller au sentiment amoureux. En face, construits comme miroirs inversés, un garde du corps, taciturne et terre à terre, Christophe joué par Roschdy Zem et une blonde pulpeuse, à la sexualité débridée, Audrey (Louise Bourgoin), sorte de version Bling-Bling de Bardot dans « Et dieu créa …la femme » de Vadim.

Cet improbable assemblage de personnalités ne marche pas pour la simple et bonne raison qu'il se construit sur des clichés, autrement dit sur du vent. Prenons la relation entre Bertrand et Christophe ; Il est évident que les acteurs ont été dirigés de façon à faire resortir la hiérarchie de leurs rapport; Christophe est au service de Bernard ; il est son garde du corps et doit le protéger. Si cette antinomie de caractères et de classe est au départ relativement bien suggérée, sa récurrence fait patauger l’intrigue. La disposition du premier pour le second, auquelle s’ajoute un évident sentiment d’admiration, qui va faire basculer leur rapport dans une ambiguïté  amoureuse quasi sado-maso confine au ridicule! Pourtant, Luchini joue dans la retenue, une fois n’est pas coutume ; mais Roschdy Zem, peu habitué à des rôles de subordonné, en fait des tonnes dans le « oui maître », dans le « je sécurise le périmètre ». Rien de bien naturel dans tout cela ; que de lourdeur et de surjeu ! La construction du duo est donc déjà bancale mais Anne Fontaine va encore plus loin Elle fait basculer cette comédie mondaine en une sombre histoire de meurtre. On aura compris qu’Audrey, et ce en grande partie grâce à l’obstination –courageuse- de Louise Bourgoin à camper une Bimbo, persuadée que la promotion canapé est la seule façon de réussir, est La femme qu’il ne faut pas pour Bertrand. La seule issue, le meurtre. C’est ça qui est fatiguant chez Anne Fontaine, ce conformisme bourgeois et cette obsession à mettre les gens dans des cases. Aucune subtilité psychologique puisque seules les apparences comptent. Audrey sera donc réduit à n’être qu’un corps qui se trémousse et Christophe, un subalterne fasciné par l’intellect de Bertrand. Au final, du sous-sous- Chabrol et une impression désolante de vide.

24 septembre 2008

"Entre les murs", Laurent Cantet

AfficheFRANCE - 2008, 2h08


« Entre les murs » est une plongée en apnée dans le quotidien d’une classe. De la 1ère image, en plan serré sur le professeur, François, avalant une dernière gorgée de café avant de rentrer dans l’établissement ; le calme avant la tempête ; jusqu’à la dernière séquence montant la classe vide, avec quelques chaises en désordre ; arrive les grandes vacances. La boucle est bouclée ; entre ces deux temps, toute une année scolaire s’est déroulée sous nos yeux, avec ses rires, ses cris, ses doutes, ses conflits. Enfin, on peut respirer.

Les deux grandes qualités de Laurent Cantet comme cinéaste sont sa vigilance et sa sincérité. Vigilance quant au risque de récupération idéologique ou politique, -risque accru depuis la Palme d’Or puisqu’avant même sa sortie en salle, le film monopolise déjà l’attention des médias. « Entre les murs » ne prétend pas à dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur l’Education Nationale. En aucun cas, Laurent Cantet ne moralise son propos. Non, « Entre les murs » se veut être une chronique de la vie d’une classe, dans un lieu donné, le 20ème arrondissement de Paris, en s’inspirant de l’expérience d’un professeur donné, François Bégaudeau.

Sincérité, par sa volonté de montrer à l’écran des êtres en relief, avec leur énergie, leurs faiblesses et leurs contradictions. Par une rigueur de mise en scène, sur le mode du docu-fiction, Laurent Cantet réussit à traduire l’indicible, à montrer la violence quotidienne des rapports humains, toujours sur le fil du rasoir, sans jamais tomber dans la caricature ; la caméra est en alerte prête à saisir les micros-événements susceptibles de faire basculer une scène. Ce qui se passe entre les murs de ce collège c’est la vie, c’est une société en mouvement. Rien n’est jamais acquis puisque la narration se construit dans les moments de dérive. A un moment, il y a transmission de savoir et la seconde suivante, le dérapage arrive. Que ce soit sur le désaccord des élèves quant au choix d’un prénom, Bill, donné dans un exemple, jugé trop français ; ou la scène où François accuse les deux déléguées de la classe de s’être « comportées comme des pétasses », le professeur est constamment pris à parti, chahuté, provoqué mais il résiste. Sa croyance en la prise de parole, la liberté d’expression est plus forte. Humaniste convaincu, François prend le risque du dérapage, celui des élèves mais également du sien ; car un professeur, même avec la meilleure volonté du monde, est perfectible. Il lui arrive de se prendre à son propre piège, de ne pas réussir à faire passer son message. Il peut échouer ; quand il dit de Souleymane qu’il est « scolairement limité », provoquant ainsi un tollé dans la classe ; ou encore dans son incapacité à faire comprendre à Khoumba son insolence lorsqu’elle s’est refusée à lire un extrait d’Anne Frank à voix haute. Énervé et impuissant, il donne un coup de pied dans une chaîne. Ce sera sa seule manifestation visible de violence. Geste de désespoir devant l’échec. Il n’est pas un professeur super-héros, à la répartie infaillible. Il fait du mieux qu’il peut avec ses convictions et son savoir. C’est dans cette tension entre parole et violence, que naît toute la beauté du film. Grâce et tragédie du quotidien. Grâce dans l’autoportrait de karl qui aime le zouk mais n’aime pas aller voir son frère en prison ; grâce dans l’analyse que fait Esmeralda de "La République" de Platon.

L'art de Cantet est d'avoir réussi à capter ces moments d'utopie concrète; ne pas juger, juste monter...

Bande annonce

Site internet


23 février 2008

« Capitaine Achab », Philippe Ramos

afficheFRANCE - 2008, 100'

On se souvient de la dernière adaptation du célèbre roman d’Herman Melville, « Moby Dick » de John Huston (1956) ; si pour le réalisateur de « La grande évasion », ce film restera le plus périlleux et le plus complexe de sa carrière (deux ans de tournage, production en extérieur rarissime pour l’époque, dépassement de budget de 50%), il demeure un chef d’œuvre du film d’aventure, l'histoire d'un homme ravagé par un instinct de vengeance.

Présenté en Compétition au Festival de Locarno 2007, « Capitaine Achab » a été récompensé par le Prix de la mise en scène et le Prix Fipresci (presse internationale). Prenant à contre-pied l’odyssée marine de Huston, Philippe Ramos a imaginé une version étonnante, plus personnelle et très dépouillée, du roman de Melville, en choisissant de raconter toute l’existence du capitaine Achab, de la naissance à la mort -et non pas une étape de sa vie, comme c'est le cas dans « Moby Dick ». Sur les cinq chapitres du film, quatre sont une création pure, seul le dernier tableau « Starbuck » croise le roman de Melville. Au spectaculaire, Philippe Ramos –dont c’est le 2ème long-métrage- a préféré l’intime, entre onirisme et simplicité réaliste. Portrait d’un homme, qui finira par devenir l’emblème du héros d’aventure, « Capitaine Achab » s’attache à raconter le comment et le pourquoi d’une telle destinée.

Le plan d’ouverture, absolument superbe, d’une blancheur virginale, dévoile le sexe de la mère morte en couche, bientôt recouverte de son linceul. A peine né et déjà orphelin, un destin marqué du sceau du malheur. Elevé pour un temps par un père homme des bois (Jean-François Stévenin), puis par sa tante Rose (Mona Heftre), une bourgeoise bigote, le jeune Achab grandit seul, sans attache, avec pour seuls compagnons, la vieille bible de sa mère et le médaillon de la belle et sauvage Louise, qui le suivront jusqu’à la mort. L’identité d’Achab se construira en rupture avec tous les modèles d’éducation qui lui seront imposés. Plus tard, recueilli par le pasteur Will Adams (Bernard Blancan), il découvrira la mer, unique salut de cette âme éperdue.

Porté par des comédiens remarquables, presque tous issus du théâtre -Denis Lavant, Dominique Blanc, Carlo Brandt, Jacques Bonnaffé, Mona Heftre-, avec en bonus, la prestation absolument jubilatoire de Philippe Katerine en dandy XIXème, « Capitaine Achab » dépoussière le film historique. Il est une expérience cinématographique dont on ressort fasciné et admiratif. Le choix de la voix off comme outil narratif principal fait penser les personnages à haute voix et ouvre le film à une surprenante variété de style. Jamais on entendra la version d’Achab ; toujours, la voix de l’autre qui, acteur ou spectateur, parlera de cet être échappant à tous les cadres et à toutes les définitions. Le travail du chef-opérateur, Laurent Desmet, est rare. La picturalité très sophistiquée -cadres, composition des plans, lumière- met en image l’imaginaire poétique de Philippe Ramos ; on garde longtemps en mémoire l’image finale d’un Achab géant dominant l’océan tout scintillant d’une lumière venant du fond des eaux, allégorie éblouissante de la baleine Moby Dick. Le film se termine comme il a commencé, dans une clarté céleste.

17 février 2008

« Juno », Jason Reitman

AfficheUSA - 2008, 91'

Surfant sur la vague « Little miss Sunshine », « Juno » de Jason Reitman –auteur du caustique « Thank you for smoking »- a tout les ingrédients d’une comédie réussie : un excellent casting (drôlissime Ellen Page), des dialogues hilarants, une esthétique colorée et une mise en scène enlevée. Malgré une histoire un peu simplette -Juno, 16 ans tombe enceinte après avoir couché avec son meilleur ami, Bleeker et cherche la famille d’adoption idéale-, il est difficile de résister à cette comédie détonante, succès annoncé de ce début d’année.
Labellisé « cinéma indépendant », « Juno » en exploite les attributs : des personnages marginaux, anti-héros un peu timbrés, en décalage avec le monde dans lequel ils évoluent. A contrario de films insipides et vulgaires tels qu’« American pie » ou « Scream », il renouvelle le film d’ado dans son traitement original et piquant des rapports entre adolescents. Le choix d’une héroïne volontaire, à la langue bien pendue, contraste avec l’image de l’« ado-pétasse », faire-valoir potiche d'un machisme écœurant de rigueur dans ce type de production. Ici, c’est Juno qui impose les règles du jeu. Le message transmis est clair : faire ce qu’il nous plaît, sans se préoccuper du regard des autres. Revendiquer la liberté adolescente sur la question de la fille-mère bouscule bien des tabous et crève l’abcès du politiquement correct. Pour ça au moins, « Juno » donne du grain à moudre à l’éternel débat autour de la relation parent-enfant.

Juno_et_BleekerSeulement voilà, malgré d’évidentes qualités, « Juno » a le désagréable revers de la comédie calibrée « tout public ». A l’évidence, le producteur du film, Mason Novick, a retenu la leçon du succès-surprise de « Little Miss Sunshine ». Reprenant les mêmes ficelles, il a délibérément voulu reproduire la même magie. Le problème c’est que à trop vouloir faire rire, « Juno » manque de spontanéité. Rien n’a été laissé au hasard ; tout y est un peu trop calculé, en particulier les dialogues ; oui, ils sont drôles, oui, ils font mouche, oui, on prend plaisir à entendre les saillies facétieuses de ce petit bout de femme ; oui, oui, oui, mais durant la projection, il est difficile de se défaire d’une impression de fabriqué. Les réparties, travaillées à l’extrême, laissent peu de place au naturel et le film souffre de cette omniprésence de l’écrit. La grossesse de Juno n’est qu’un prétexte pour permettre à Diablo Cody, la scénariste déjantée du film, d’exprimer pleinement son style fantaisiste et son humour décapant. Cette manœuvre est vraiment regrettable, d’autant que « Juno », malgré ses efforts pour être à la hauteur, n’arrive pas à retrouver la fraîcheur et le rocambolesque du road-movie de Jonathan Dayton et Valerie Faris.
Autre point gênant, la scène dans la clinique d’avortement. Le personnage de la jeune femme à l’accueil –cliché de la jeune fille paumée avec son look punk et ses allusions sexuelles déplacées- est proprement ridicule voire révoltant. Quand on sait la menace qui pèse sur l’avortement aux USA, le traitement aurait dû être plus subtil ; d’autant que cette séquence est une astuce scénaristique pour justifier le choix de l’adoption et assurer la suite du film.

Il n’en reste pas moins que « Juno » est un bon film de divertissement et, vu le niveau actuel des comédies françaises (je ne citerai pas de noms!), on ne peut qu’envier une telle créativité.

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