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Le ciné de gg
22 novembre 2008

« Two lovers », James Gray

AfficheUSA - 2008, 1h50


En seulement trois films, « Little Odessa » (1994), « The Yards » (2000) et « La Nuit nous appartient » (2007), James Gray s’est imposé comme un réalisateur majeur du film noir américain. Explorateur inspiré des bas-fonds des faubourgs new-yorkais, il n’a de cesse de décliner dans son œuvre, âpre et sombre, le thème de la famille, la mafia et de la fatalité du destin ; mais James Gray aime à brouiller les pistes et, las de jongler avec les codes du film de genre, il décide de faire « un film authentiquement émotionnel autour d’une trame simple ». Le résultat est « Two lovers », drame romantique moderne, une histoire d'amour et d'illusions perdues.

Leonard (Joaquin Phoenix) revient vivre chez ses parents à Brooklyn dans le quartier de Brighton Beach, après avoir vécu un douloureux échec amoureux. Il fait la connaissance de deux femmes très différentes l’une de l’autre ; la douce et aimante Sandra (Vinessa Shaw), fille d’ami de ses parents, et Michèle (Gwyneth Palthrow), sa belle et inconstante voisine, dont il tombe éperdument amoureux. Leonard se retrouve déchiré entre ces deux femmes.

Partant d’un scénario de facture très classique, celui de la romance sentimentale, James gray opère une déconstruction magistrale de la comédie romantique pour basculer vers le drame existentiel. Le nœud de l’intrigue, c’est la déchirure d’un homme partagé entre raison et passion ; raison, incarnée par Sandra, compagne désignée, lui laissant entrevoir une vie tranquille et rangée; et passion, celle qu’il éprouve pour Michèle, le coup de foudre absolu. Choix cornélien d’un amoureux transi dont l’amour n’est pas partagé, Michelle étant très éprise d’un homme marié, lui aussi insaisissable. C’est finalement là que réside toute la tension tragique, leur commun entêtement à aimer des êtres qui leur échappent. Dès leur première rencontre, Leonard et Michèle semblent se reconnaître ; une même fragilité à fleur de peau, un même sentiment d’égarement. Car si Michèle cherche dans le LSD un antidote à son angoisse, Leonard, lui, est hanté par le suicide. C’est d’ailleurs par là que commence le film, par un saut désespéré dans un fleuve froid et obscur. S’il est sauvé des eux, la fêlure intime, elle, persiste.

Drame existentiel en même temps que tragédie familiale ; et l’on retrouve l’une des obsessions du cinéma de James Gray. Fils d’immigrés juifs new-yorkais, Leonard travaille dans la blanchisserie de son père (Moni Moshonov). Couvé par une mère inquiète (Isabella Rosselini), il se sent à l’étroit dans cet univers familial. Il n’arrive pas à voir Sandra parce qu’elle représente la soumission au modèle paternel. A l’inverse, l’inconstance de Michèle l’attire parce qu’elle lui offre une autre alternative, celle d’une vie en rupture, loin du déterminisme social. Ce duel intime, Joaquin Phoenix l’a parfaitement saisi. L’intensité avec laquelle il restitue la transe propre à l’état amoureux est saisissante. Tour à tour, béat, éperdu et maladroit, son jeu exploite toute les facettes de la sensibilité; face à lui, Gwyneth Palthrow, nouvelle évocation de la blondeur hitchcockienne, a la beauté et la grâce du fruit défendu.

Somptueux crève-cœur d’une passion sur le fil, Two lovers » est sans conteste l’œuvre la plus personnelle de James Gray. A chaque plan, une émotion foudroyante ; peinture d’une défaite amoureuse, « Two lovers » est une expérience sensible de la tristesse résignée. A couper le souffle…

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Commentaires
E
je pense que j'irai le voir: ta critique m'a vraiment donné envie.<br /> Sinon, je tiens aussi un blog sur le ciné: peut-être pourrions nous partager des impressions sur nos blog respectifs? Voici l'adresse:<br /> http://cinemadolivier.canalblog.com/<br /> à bientôt j'espère!
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