« La nuit nous appartient », James Gray
USA, 2007, 114'
La famille et son délitement est décidément très à la mode
chez les cinéastes américains ! « 7h58, ce matin-là » de Sydney
Lumet et « Le rêve de Cassandre » de Woody Allen traitent tous deux
d’une fratrie basculant dans la criminalité ; si le premier est un
modèle de film noir, le deuxième, lui, déçoit par un traitement consensuel et
paresseux.
« La nuit nous appartient » reproduit le même
schéma tragique mais à la consensualité du film de Woody Allen, s’ajoute un
psychologisme de comptoir proprement odieux. S’il y a un cinéma qui fait me sortir de mes gonds,
c’est bien le cinéma américain quand sous couvert de dénoncer les travers de sa
société, il s’égare dans un discours parabolique autour du combat entre Bien
et Mal.
Dans « La nuit nous appartient », le Bien est incarné par le père, Burt Grusinsky (Robert Duvall, parfait comme toujours) et son fils, Joseph (Mark Wahlberg), tous deux flics, menant une croisade contre le trafic de drogue à New-York. Le Mal, lui, prend la forme de Bobby (Joaquin Phoenix), jeune fils prodigue, vilain petit canard du clan Grusinsky dont le malheur est d’être le gérant d’une boîte à la mode. Il n’est même pas dealer ou proxénète, non, il travaille dans le milieu de la nuit et ça chez les Grusinsky, ça ne se fait pas. Eh, faut pas déconner, chez eux on est flic de père en fils et on se tape sur l’épaule en gage d’affection, signe imparable de la virilité vu par Hollywood.
Pourtant, le film avait commencé en fanfare, avec une
scène d’ouverture torride, où Zoé Mandes se masturbe sur un canapé. Le rythme
trépidant des premiers plans laissait présager des sommets. L’univers de la
fête et des clubs dans le New-York des années 80 est parfaitement reconstitué
avec la musique de Blondie en prime ! Bobby est alors un jeune loup
flamboyant, de la génération sexe, drogue et disco ; un vrai mec,
quoi ! Et on y croit d’autant plus que Joaquin Phoenix est crédible dans
son rôle de bad boy et Eva Mendes, dans celui de la bimbo passionnée.
Seulement, voilà, au bout d’une demi-heure, le frère flic se fait tirer dessus
sur ordre du nouveau parrain de la drogue Vadim Nezhinski, client régulier de
la boîte de Bobby. Ce dernier doit alors choisir son camp. Lequel ? Je vous
le donne en mille, celui du Bien, évidemment !
A partir de ce moment, c’est l’hécatombe… Les scénaristes
de « La petite maison dans la prairie » n’aurait pas fait
mieux ! « La nuit nous appartient » bascule dans un déluge de
bons sentiments, où le fils prodigue opère sa rédemption. Il pousse même le
vice jusqu’à devenir flic… Honnêtement, ce n’est pas possible de tenir presque
2 heures sur ce registre-là et de nous l’infliger frontalement comma ça !
Le ridicule le dispute au pathétique et quand Bobby revêt son uniforme du
New-York Police Department, là, c’est la franche rigolade.
Séquence après séquence, le film s’enfonce dans la
peinture écœurante des retrouvailles familiales du clan Grusinsky, décidé à en finir avec le
méchant Vadim Nezhinski. La scène où
Bobby triomphant, sort du champ de blé est du Schwarzi réchauffé ; et les
dialogues… C’est à se demander si la grève des scénaristes n’a pas commencer en
2006 ! Ainsi, on entend fuser des répliques du style « si tu fais dans
ton pantalon, t’as pas chaud longtemps » ou encore « si on épouse un
singe, faut pas s’étonner qu’il mange des bananes »… Assurément, c’est du
lourd!
Le dernier James Gray est un navet retentissant qui me fait dire que l'idiome « Famille, je vous hais » a du bon finalement....