Charly, Isild Le Besco
Comment parler du 1er long métrage d’Isild Le Besco ?
C’est une œuvre farouche et solitaire, unique en son genre. Une pépite à l’état
brut. "Charly" fait partie de ces films qui, séduit ou non, ne laissent pas indifférent.
D’abord, les Le
Besco, famille de trublions du 7ème art ; après Maïwen (« Pardonnez-moi »,
sorti en 2006), je demande Isild et puis son petit frère Kolia Litscher
(interprète du jeune Nicolas dans le film). Le cinéma, pour eux, est une
affaire de famille…
Ensuite, Isild qui assume toutes les casquettes, tout à la
fois réalisatrice, actrice, productrice et scénariste. Icône de Benoît Jacquot,
elle s’est construite une carrière en marge, affectionnant le jeune cinéma
d’auteur. Son rôle dans « L’Intouchable » lui a d’ailleurs
valu le Prix de la Révélation féminine à la Mostra de Venise en 2006. Son
moyen-métrage « Demi-tarif », oeuvre sensible tournée à hauteur
d'enfants, avait déjà été salué par l'ensemble de la critique.
Autant le dire tout de suite, c’est un peu un petit génie
de 25 ans !
« Charly » déborde d’une sensibilité à fleur de
peau. Il met en scène Nicolas, jeune adolescent de 14 ans, apathique et secret.
Il vit dans une famille d’accueil, en fait un couple de vieux. Il regarde
passer sa vie, silencieusement, sans intervenir. Un jour pourtant, il trouve un
livre accompagné d’une carte postale de Belle île en mer. Il décide, le
soir-même, de s’y rendre en stop. Sur
la route, il fait la connaissance de Charly, personnage éponyme du film,
jeune prostituée de campagne qui l’accueille dans sa caravane.
Seule personnage féminin du film, Charly est un animal
sauvage, froide et abrupte, dont la maniaquerie ménagère semble être l’unique
moyen d’avoir prise sur le monde. Elle « règne » dans sa caravane
d’une main de fer, ne laissant rien passer au jeune adolescent.
Tourné en 15 jours, en DV, caméra à l’épaule,
« Charly » est une captation du réel dans toute sa crudité. Le choix assumé et constant de
l’improvisation le rapproche du genre documentaire. La caméra, mobile et
chaotique met à nu la misère affective de ce couple inattendu, tous deux
incapable de communiquer. La séquence où Nicolas demande à Charly de lui donner
la réplique est un pur moment de grâce. Echappant à leur solitude, ils sont bouleversants de maladresse.
Isild Le Besco signe ici un 1er film très personnel. Tout à la fois brutal et poétique,
« Charly » est le manifeste des
laissés-pour-comptes, d'anonymes en errance.